En mars 2020 le groupe national Santé Mentale, dont je fais partie, devait mener une journée d’étude à Paris sur le thème :
MIGRATION ET SANTÉ MENTALE
Confinement puis les mesures sanitaires s’ajoutant les unes aux autres, la journée s’est finalement déroulée sous forme de visio-conférence le 11 novembre 2020.
30 personnes étaient inscrites sur cet événement.
Mon sentiment : c’était passionnant, révoltant et motivant à la fois.
Le matin : Les invités
Les intervenants qui ont partagé leur expérience de terrain, puis répondu aux questions, ont été :
- Alain Van HOOTEN, de la structure Ulysse, en Belgique.
Ulysse s’occupe des personnes sans-papier ou en procédure, qui ont été déboutées, dont le séjour n’est pas garanti. Ces personnes souffrent de troubles post-traumatiques, et la procédure administrative que subissent les « candidats réfugiés » ajoute un traumatisme.
On leur demande un témoignage direct de persécution, des preuves objectivables, des pièces qu’ils n’ont pas emportés dans leur fuite et qu’ils ne peuvent pas récupérer. On leur demande un récit, sans tenir compte du fonctionnement du psychisme. Si le souvenir est refoulé, on leur dit qu’ils ne peuvent pas avoir oublié des choses aussi atroces. Si le souvenir est récité, distancié, on reproche le manque d’émotion et on ne croit pas la parole...
J’ai retenu :
- L’administration procède à un interrogatoire oral en partant du principe qu’il est possible de déterminer la véracité du récit par des critères objectivables. Elle se base sur la mémoire de la personne sans tenir compte du mécanisme traumatique. Elle génère un trouble pathogène.
- En psychanalyse on dit que la parole est thérapeutique, qu’elle fait du bien. Mais dans le cas de torture (« nous avons les moyens de vous faire parler ! ») parler c’est dénuder l’humain.L’interrogatoire c’est « mettre l’intime aux mains d’un autre qui va s’en servir »
- Il faut parler d’« exilés » plutôt que de « migrants », c’est le sort tragique de sédentaires, et ça renvoi à une expérience humaine.
- Marion et Mathilde, du SAMU Social de Paris.
Le SAMU dépend de l’ARS qui finance.
Au sein du SAMU il y a un pôle dédié aux « migrants », demandeurs d’asile, « Dubliné », déboutés, réfugiés, primo-arrivants. 9 interprètes y travaillent ainsi que des infirmières D.E.
L’objectif du pôle est l’évaluation sanitaire physique et psychique pour orienter les personnes vers les structures de soins adaptées.
J’ai retenu :
La santé mentale est une grande partie du travail. Il y a une équipe de psychiatrie : un psy mère-enfant, un pédo-psy (à la retraite!) un art hérapeute, et pourtant les équipes qui travaillent dans la rue ne sont pas formées à la santé mentale. Du coup c’est difficile d’avoir une approche appropriée. Les interprètes ne sont pas formés du tout et souvent sont issus du même système. Ils vivent alors des traumatismes en écho.
- Elsa Pageot, de TAMO, Cemea de Nantes
C’est un lieu d’accueil avec entrée et sortie libre. Il y a des espaces d’animation, des ateliers jeux, bois expression… Mais aussi, à disposition, un accompagnement vers des associations sociales, juridiques…
Le public visé est plutôt jeune : mineurs non-accompagnés, non reconnus puis reconnus, jeunes majeurs, jeunes à la rue, demandeurs d’asile et exilés… Des personnes souffrant d’un traumatisme du parcours, du non-accueil.
J’ai retenu :
Au sein de Tamo il y a des rencontres entre eux, des croisements, de l’entre-aide. « Quand je viens à Tamo je ne pense pas ». C’est un endroit où l’on rend la dignité aux personnes : « je ne suis pas une personne désignée par un statut (ou un manque de statut), mais juste une personne ».
Il devrait y avoir un TAMO partout !
- Daniel, du centre Cabane de Liège (Belgique).
C’est une maison dans laquelle au R.de C et dans le jardin se pratiquent des activités, de l’accueil convivial, on y restaure le lien social. A l’étage se trouvent les psycho-thérapeutes qui travaillent la continuité biographique de la personne. On ne considère pas ces personnes comme malades mais comme traumatisées, blessées dans leur vécu. Ils ne demandent qu’à guérir. Ça peut aller vite, ou pas. C’est une co-construction, « le travail c’est eux qui le font d’abord et on accompagne »
J’ai retenu :
« Il se passe autant de choses, en bas qu’en haut ».
Le point de départ a été que « les travailleurs sociaux n’étaient pas à l’aise avec les migrants, alors on s’est dit qu’il fallait les aider ». La formation revendiquée des intervenants psycho-socio est une orientation ethno-psy revendiquée.
L’après-midi CEMEA
L’après-midi a été dédiée aux militants des CEMEA pour échanger les échos engendrés par le contenu de cette conférence. Nous avons aussi parlé des prolongements possibles dans nos territoires et sur nos structures...
Vous pouvez retrouvez le podcast ainsi que la web radio sur ce lien : https://sites.cemea.org/tssm/2020/12/01/journee-detude-migration-et-sante-mentale-28-11-20/
Fabienne KUTTEN,
équicienne,
Vice-présidente en charge du territoire de l’ex-Poitou-Charentes.
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